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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/226

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j’y reste insensible, j’en comprends la beauté à travers votre émotion.

— Quelle impatience vous me donnez de l’autre vie, Spirite ! répondit Malivert ; et comme avec ardeur je m’élance vers ces mondes aux splendeurs éblouissantes, au-dessus de toute imagination et de toute parole, que nous devons parcourir ensemble et où rien ne nous séparera plus !

— Oui, vous les verrez ; vous en connaîtrez les magnificences et les délices, si vous m’aimez, si vous m’êtes fidèle, si jamais votre pensée ne se détourne vers rien d’inférieur, si vous laissez, comme au fond d’une eau qui repose, tomber au fond de vous l’impur et grossier limon humain. À ce prix, il nous sera permis de savourer, unis éternellement l’un à l’autre, la tranquille ivresse de l’amour divin, de cet amour sans intermittence, sans faiblesse, sans lassitude, et dont l’ardeur ferait fondre les soleils comme des grains de myrrhe sur le feu. Nous serons l’unité dans la dualité, le moi dans le non-moi, le mouvement dans le repos, le désir dans l’accomplissement, la fraîcheur dans la flamme. Pour mériter ces félicités suprêmes, songez à Spirite qui est au ciel et ne vous souvenez pas trop de Lavinia, qui dort là-bas sous sa couronne de roses blanches sculptées.

— Ne vous aimé-je pas éperdument, dit Malivert, avec toute la pureté et l’ardeur dont une