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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/244

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À peu près à l’heure où cette scène de meurtre se passait sur le mont Parnès, le baron de Féroë était retiré, selon sa coutume, au fond de son appartement inaccessible, occupé à lire cet étrange et mystérieux ouvrage de Swedenborg qui a pour titre les Mariages de l’autre vie.

Au milieu de sa lecture il sentit un trouble particulier, comme lorsqu’il était averti de quelque révélation. La pensée de Malivert traversa son cerveau, quoiqu’elle n’y fût amenée par aucune transition naturelle. Une lueur se répandit dans sa chambre, dont les murs devinrent transparents, et qui s’ouvrit comme un temple hypèthre, laissant voir à une immense profondeur, non pas le ciel qui arrête les yeux humains, mais le ciel pénétrable aux seuls yeux des voyants.

Au centre d’une effervescence de lumière qui semblait partir du fond de l’infini, deux points d’une intensité de splendeur plus grande encore, pareils à des diamants dans de la flamme, scintillaient, palpitaient et s’approchaient, prenant l’apparence de Malivert et de Spirite. Ils volaient l’un près de l’autre, dans une joie céleste et radieuse, se caressant du bout de leurs ailes, se lutinant avec de divines agaceries.

Bientôt ils se rapprochèrent de plus en plus, et, comme deux gouttes de rosée roulant sur la même feuille de lis, ils finirent par se confondre dans une perle unique.