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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/46

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et dans ce souffle entendre, murmurés très bas et cependant d’une façon distincte, ces mots :

« N’entrez pas. » Il se retourna vivement et ne vit personne.

« Ah çà ! décidément, se dit Malivert, est-ce que je deviens fou ? J’ai des hallucinations en plein jour maintenant ? Obéirai-je ou n’obéirai-je pas à cette injonction bizarre ? »

Dans le mouvement brusque qu’il avait fait pour se retourner, sa main posée sur le bouton de la sonnette l’avait lâché. Le ressort avait joué et fait vibrer le timbre ; la porte s’était ouverte, et le concierge, debout devant sa loge, regardait Malivert hésitant sur le seuil. Malivert entra, quoiqu’il n’en eût guère envie après l’incident extranaturel qui venait de se produire, et il fut reçu par Mme d’Ymbercourt dans le petit salon bouton d’or agrémenté de bleu où elle recevait les visites du matin et dont la nuance déplaisait particulièrement à Guy. « Le jaune n’est-il pas le fard des brunes ? » avait répondu la comtesse à Malivert, qui plus d’une fois s’était permis de solliciter le remplacement de cette odieuse tenture.

Mme d’Ymbercourt était habillée d’une jupe de taffetas noir et d’une veste de couleur voyante soutachée, brodée, chargée de plus de jais et de passementerie que jamais maja allant à une feria ou à une course de taureaux n’en suspendit à sa basquine. La comtesse, quoique femme du monde,