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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/72

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autour de lui et qui ne devait pas résister beaucoup à l’évocation puisqu’il avait essayé tout seul de se manifester.

Cela fait, Malivert, qui était dans l’atelier-salon où il se trouvait au début de cette histoire, se mit à regarder et à écouter avec une attention extrême. Il ne vit et n’entendit d’abord rien, et cependant les objets qui meublaient cette pièce, statuettes, tableaux, vieux buffets sculptés, curiosités exotiques, trophées d’armes, lui paraissaient avoir pris des aspects étranges et qu’ils n’avaient pas d’ordinaire. Les lumières et les ombres projetées par la lampe leur prêtaient une vie fantastique. Un magot en jade semblait rire jusqu’aux oreilles de son rire enfantin et vieillot, et une Vénus de Milo, dont un rayon découpait sur un fond sombre les seins aigus, gonflait de dépit sa narine orgueilleuse et abaissait dédaigneusement les coins de sa bouche arquée. Le dieu chinois et la déesse grecque désapprouvaient l’entreprise de Malivert. On eut pu le croire, du moins, à l’expression qu’ils prenaient ainsi éclairés. Insensiblement les yeux de Malivert, comme sollicités par un avertissement intérieur, se dirigèrent vers un miroir de Venise suspendu à la tapisserie en cuir de Cordoue.

C’était un de ces miroirs du siècle dernier, comme on en voit souvent dans les toilettes et les départs pour le bal de Longhi, le Watteau de la