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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/87

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tuel. Ainsi Malivert, en regardant au grand jour le miroir de Venise qui bleuissait au centre de son encadrement de cristal taillé, se demandait-il, n’y voyant plus que la réflexion de sa propre figure, s’il était bien vrai que ce morceau de verre poli lui eût présenté, il y avait quelques heures à peine, la plus délicieuse image que jamais œil mortel eût contemplée. Sa raison avait beau vouloir attribuer cette vision céleste à un rêve, à un délire trompeur, son cœur démentait sa raison. Quoiqu’il soit bien difficile d’apprécier la réalité du surnaturel, il sentait que tout cela était vrai et que derrière le calme des apparences s’agitait tout un monde de mystère. Pourtant rien n’était changé dans cet appartement si tranquille naguère, et les visiteurs n’y eussent rien remarqué de particulier ; mais, pour Guy, désormais le battant de tout buffet, de toute armoire, pouvait ouvrir une porte sur l’infini. Les moindres bruits, qu’il prenait pour des avertissements, le faisaient tressaillir.

Pour se soustraire à cette excitation nerveuse, Guy résolut de faire une grande promenade ; il croyait pressentir que les apparitions de Spirite seraient nocturnes ; et d’ailleurs, si elle avait des communications à lui faire, son ubiquité fantastique lui donnait les moyens de le retrouver et de se manifester à lui partout où il serait. Dans cette intrigue, si l’on peut donner ce nom à des