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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/94

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Mme d’Ymbercourt était assez frileuse, et Guy ne pensait pas qu’elle sortirait par un froid de cinq à six degrés, en quoi il montrait qu’il ne connaissait guère les femmes ; car aucune température ne saurait les empêcher d’aller dans un endroit à la mode et où le genre exige qu’on soit vue. Or rien n’était plus élégant, cet hiver-là, que de paraître au bois de Boulogne et de faire un tour sur le lac glacé, rendez-vous, entre trois et cinq heures, de ce que tout Paris, pour nous servir du langage des chroniques, peut réunir sur un point quelconque de noms et d’individualités célèbres à divers titres. Il est honteux pour une femme un peu bien située de ne pas voir, parmi les beautés du jour, figurer ses initiales sur quelque gazette bien renseignée. Mme d’Ymbercourt était assez belle, assez riche, assez à la mode pour se croire obligée de se conformer au rite de la fashion, et elle accomplissait, en tremblant un peu sous les pelleteries qu’elle portait en dehors comme toutes les Françaises, le pèlerinage du lac. Malivert avait bien envie de laisser Grymalkin, qui n’eût pas mieux demandé, prendre le grand trot. Mais Mme d’Ymbercourt l’avait aperçu, et force lui fut de faire côtoyer la voiture de la comtesse par son traîneau.

Il causait avec elle d’une façon générale et distraite, alléguant un grand dîner qui finirait tard pour éviter la visite aux Italiens, lorsqu’un traî-