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Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/223

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Cependant une forme qui jette au mur une ombre bizarre chemine lentement par la rue déserte. C’est une religieuse, jeune, délicate, faible d’apparence, amaigrie par le jeûne du siége et les labeurs de la charité. Elle porte entre ses bras, roulé dans une couverture, un enfant malade ou blessé, déjà grandelet, pour le mettre à l’abri sous un toit moins menacé des projectiles. Elle va ainsi par les ténèbres pleines de périls, voyant dans l’ombre la lumière du Christ, recevant de sa foi des forces surnaturelles, et se redressant sous la charge qui l’écraserait.

L’impression que produit ce tableau est profonde, et l’image de cette religieuse filant le long de cette muraille, reste ineffaçablement dans le souvenir.

On sent que l’artiste a vu ce qu’il peint. Il a rencontré cette sainte femme en faisant quelque ronde nocturne, et son œil a retenu, involontairement peut-être, la tournure du groupe, l’expression du visage entrevu, la cassure des plis, la projection des ombres. Rentré chez lui, il a fait le dessin, puis le tableau, et à la représentation du fait il a ajouté sa propre émotion. Il en résulte que la religieuse passant la nuit, rue Gay--