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Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/229

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frondaisons, masquera les cicatrices des arbres survivants et comblera les vides.

La cascade, tombant de son château d’eau sur cet escalier de marbre et de rocaille, légitime admiration du Parisien, n’a pas subi de dégradation, apparente du moins, et pourra jouer encore le dimanche, si le plomb des tuyaux n’a pas été volé par un ennemi soigneux et qui n’oublie rien.

Quand on a gravi la pente sur laquelle les eaux se déploient et dépassé le massif d’architecture de la cascade, on entre dans une région saccagée comme avec une sorte de rage. Des arbres magnifiques, deux ou trois fois séculaires, les géants et les patriarches de la forêt, sciés au bas du tronc, gisent, traînant leur chevelure de branches, sur des arbustes écrasés et des éboulements de terrasses. Ces troncs, ainsi coupés, offrant leur large tranche de couleur claire qui rappelle la carnation humaine, ont quelque chose de tragique et de solennel. On dirait des autels faits pour y jurer une haine implacable, et implorer Némésis, la déesse des justes vengeances. Cet espace franchi à travers les gravats, les pierres, les bouts de bois, les débris et les souillures de toutes sortes,