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Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/231

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nisées, de ferrailles descellées et tordues, de fragments de marbre, et l’on découvre par l’effondrement des planchers, les distributions intérieures, comme dans les coupes des plans d’architecture. On voit, comme des veines dans le corps de l’édifice, circuler les tuyaux des calorifères et des conduites d’eau rompus çà et là, ou rentrant dans l’épaisseur des murs. Pas une cloison ne subsiste. Quelquefois une cheminée se tient suspendue à la paroi, sur un arrachement de plancher, et produit le plus singulier effet. La flamme a dû être guidée dans sa fureur : un élément aveugle n’arrive pas tout seul à cette perfection de ravage et de désastre. On sent là l’œuvre d’incendiaires exercés et pratiques, obéissant à une consigne d’extermination.

Dans l’intérieur de la cour, la destruction a eu ses caprices : des statues sont décapitées, boiteuses, manchotes, borgnes, balafrées d’affreuses blessures, réduites à l’état de troncs informes et calcinées comme de la chaux ; d’autres ont été épargnées, on ne sait pourquoi, et sourient, avec la sérénité indifférente du marbre, au milieu de cette désolation que leur grâce intacte rend encore plus lugubre. Trois lampadaires ont con-