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Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/314

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on veut voir ce qu’on sait et qui semble à peine croyable, malgré tant de témoignages, et puis la curiosité de l’horrible vous prend malgré vous, et après avoir résisté quelque temps on va faire comme les autres, son « tour de ruines. »

Nous voilà donc parti par le chemin de fer de la rive droite, redevenu libre enfin. Quand on a été si longtemps prisonnier, réduit au même horizon, c’est une sensation étrange que de courir rapidement à travers les campagnes, de voir se déplacer autour de soi les ponts, les plaines, les collines, les archipels de nuées, les bourgs et les blanches villas semées dans la verdure. La moindre excursion semble un voyage. On va donc pouvoir aller retrouver ceux qu’on aime et dont on est séparé depuis de tant de mois !

Quoiqu’on fût au milieu de juin, la journée était triste. De grands nuages difformes, gonflés d’eau, véritables outres de pluie prêtes à se vider, se traînaient sur l’horizon, et il ne filtrait d’un soleil voilé qu’une lumière diffuse n’accusant ni les ombres ni les clairs.

Sous ce jour morne, l’aspect d’Asnières, ce gentil village de guinguettes, ce port de mer de la canoterie parisienne, criblé, déchiqueté, effondré,