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Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/337

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mille ans aient passé en une nuit et que la rêverie du poëte se soit réalisée lorsqu’il se représente Paris à l’état de ville morte et reconnaissable seulement à quelques débris semés sur les bords de la Seine déserte : la colonne couchée dans l’herbe et pareille

Au clairon monstrueux d’un Titan disparu.

Notre-Dame élevant encore au-dessus des végétations sauvages les tronçons de ses tours, l’arc de triomphe à demi écroulé, comme un pylone de Rhamsés, avec ses bas-reliefs de batailles et de victoires estompés par la mousse. Heureusement, Paris subsiste toujours. La torche des incendiaires a d’abord été appliquée aux monuments et l’œuvre de destruction n’a pu être achevée. Mais l’impression ressentie en face de ces décombres noircis et calcinés est bien celle d’une anticipation du temps. Le lointain Avenir s’est fait Présent tout à coup et vous met sous les yeux ces tableaux qu’on n’entrevoyait qu’à travers les brumeuses perspectives du rêve.

On sait l’admirable profil que découpe à l’horizon la Cité, ce berceau de Paris, lorsqu’on la regarde du pont des Arts ou du pont des Saints--