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Page:Gavarni - Grandville - Le Diable à Paris, tome 4.djvu/19

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tique duquel elle passait journellement. L’épicier, survenant, avait soutenu l’accusation, poussé à bout, disait-il, par la récidive.

La malheureuse enfant fut fouillée, et l’on trouva en effet sur elle trois petites billes d’agate. Comme on la traitait de voleuse, elle se mit à fondre en larmes, disant qu’elle n’avait pas pris ces billes pour les voler, ou plutôt pour les vendre, et que les autres étaient cachées dans le lit qu’elle partageait avec ses deux petits frères.

On monte dans la misérable mansarde qui servait en effet de demeure à cette pauvre famille, et l’on trouve environ une douzaine de billes d’agate cachées dans une paillasse.

« Mais pourquoi, lui dit-on, avez-vous dérobé ces objets qui ne vous étaient d’aucune utilité, et qui n’avaient d’ailleurs presque aucune valeur ? »

Elle hésite à répondre, ses sanglots redoublent ; enfin, pressée de questions, la malheureuse enfant avoue que l’aspect brillant, poli, bigarré de ces billes l’avait toujours vivement frappée lorsqu’elle passait devant cette boutique, qu’enfin elle n’avait pu résister a l’insurmontable tentation de s’emparer de ces jouets… parce qu’elle est enceinte…

Et elle a quinze ans à peine…

… Mais j’y songe… le souvenir de cette enfant aux cheveux blonds et à la figure candide me revient à l’esprit… Elle demeurait dans ce quartier… Je vais savoir…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


14 décembre.

C’était bien elle…

À la façon dont les voisins qui avaient assisté à son arrestation me l’ont dépeinte, il n’y a pas à en douter… c’était bien elle…

Elle s’appelle Arsène Remi et n’a pas quinze ans.

On signale pour son amant un coryphée d’estaminet, qui s’était attaché à ses pas depuis quelques mois… On m’a aussi dépeint ce misérable : c’était l’homme à figure ignoble que j’avais remarqué.

Ce n’est pas tout.

Lorsque Arsène Remi a été emmenée comme voleuse, ses deux petits frères ont été confiés à une voisine ; et lorsque le soir, la pauvre veuve rentrant chez elle, brisée de fatigue après sa journée de labeur, a demandé sa fille aînée… elle a si brusquement appris l’arrestation et le déshonneur de sa malheureuse enfant, qu’elle est tombée comme fou-