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Page:Geffroy - Sisley.djvu/16

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n’était pas venue à Sisley comme elle commençait pour Monet, et il ne fallait pas longtemps pour deviner la tristesse sous l’apparence de la résignation et les paroles enjouées de celui qui me faisait mélancoliquement les honneurs de son logis.

Cette journée si parfaite d’accueil et d’amitié est restée pour moi empreinte de ce sentiment deviné chez l’artiste vieillissant qui semblait pressentir que jamais, de son vivant, un rayon de la gloire ne viendrait briller sur son art. C’est aussi sans doute parce que ceux et celles que je vis ce jour là sont partis, même Mlle Jeanne Sisley, alors dans tout l’éclat de la jeunesse et de la beauté. Pourtant, tout fut magnifique et harmonieux. Après la matinée passée à l’atelier et le déjeuner, tout le monde partit en char-à-bancs pour Moret, les rives du Loing et la forêt de Fontainebleau dont Sisley fit les honneurs avec un charme de conversation inoubliable. Lettré comme il était artiste, il montrait et expliquait les choses avec les mots justes, et je n’ai pas oublié la splendeur des arbres, des clairières, des rochers, qu’il commentait si poétiquement, ni le récit de la vie des riverains dont il connaissait tous les détails et toutes les péripéties comme il pouvait les connaître par sa vie studieuse et réfléchie

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