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Page:Geffroy - Sisley.djvu/26

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de peupliers. Au bord de l’eau métallique cheminent un homme sombre et un cheval clair, tous deux minuscules auprès de la haie vive qui pétille, ardente de couleur. L’atmosphère est si pure que si l’homme sombre pousse un cri, les trois chemins et le canal en porteront l’écho jusqu’aux voûtes du monde.

Il peint d’un éclat magnifique les chalands sur le Loing, le ciel clair, infini, son reflet cristallin dans l’eau. Les chalands plats, amarrés, aux bordures noires marquées de blanc et de vermillon, des maisons basses que le miroir mouvant repète, des bouquets d’arbres, une étendue d’herbe fleurie d’où surgissent quatre hauts peupliers, une symphonie de tons francs, frais et purs. Un abîme de clarté heureuse, le ciel dans l’eau, l’immensité captive.

Il peint l’église de Moret, érigée au-dessus des roseaux enchevêtrés, verts et jaunes, des herbes roussies, des maisons serrées autour de la tour, des arbres, de l’eau qui charrie le cuivre et le rouge du couchant. Au dessus de l’eau, des maisons, des verdures, de l’église, le dôme d’un ciel pesant où le soleil qu’on ne voit plus a laissé de la flamme, fauve paysage ardent comme l’été, peint avec fougue de grands traits épais et rugueux, angoissé comme la nature en attente d’orage.

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