Aller au contenu

Page:Geniaux - Les Ames en peine.djvu/34

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Aussitôt, avec l’impétuosité des gens faibles, Job et Maharit crièrent :

— Qu’est-ce que signifie ce retard au mariage de nos enfants ? Jean et Julien seront repartis avant d’avoir pu passer par l’église et la mairie.

En plaquant sa paume avec force sur sa table-huche, Gurval prononça :

— Moi, je n’avais rien promis… Je laissais espérer, pas davantage. Je ne dis pas que vos fils ne me plaisent point, mais je ne peux pas encore m’engager. Comprenez-vous ?

— Non, on ne comprend qu’une chose, vociféra Job, qui ne se possédait plus, c’est que vous avez tous par ici des consciences de « chinchards ».

Les pauvres sabotiers n’étaient pas au terme de leurs peines. Quand ils rapportèrent à leurs fils l’accueil qu’ils avaient reçu et quelle avait été leur réponse, devant les hésitations de Lanvern, Jean et Julien mécontents, s’exclamèrent :

— Vous n’avez pas su prendre Gurval. Il va se buter comme une ancre dans les roches et le grelin cassera par votre faute. Nous ne pouvons pas renoncer à Nonna et Anne. Quelle misère !


VIII

LES CHEFS DE L’OSSUAIRE


Toute la nuit il avait venté dur. Plusieurs fois, dans l’ombre, Jean sentant passer sur son visage l’âpre haleine de l’Atlantique, avait eu l’envie d’aller regarder du roc de Kerpenhir les flots se combattre. Dès l’aube venue, il traversa le petit enclos où son père cultivait quelques raves et pommes de terre. À sa surprise, il remarqua, juste en face de la barrière, deux piquets enfoncés dans le sable qui supportaient des crânes enlevés à l’ossuaire. Sous chaque