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Page:Genlis - Nouveaux contes moraux et nouvelles historiques, tome 2, 1804.djvu/88

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LE MALENCONTREUX.

Lucy ne fit que s’agiter sur sa chaise, soupirer et respirer des sels ; j’aurois craint de la voir s’évanouir, si ses belles couleurs naturelles, toujours aussi brillantes, ne m’eussent rassuré. Cependant j’étois troublé et fort inquiet. Enfin, miss Lucy, faisant un effort prodigieux sur elle-même, rompit le silence, et après beaucoup de préambules, elle m’avoua en pleurant que son cœur n’étoit plus à elle, qu’elle avoit en vain combattu le sentiment qu’elle éprouvoit ; qu’elle n’avoit confié ce secret à qui que ce fût au monde, et que celui qu’elle aimoit ne lui avoit jamais fait de déclaration… Ici, miss Lucy s’arrêta, et, voyant que je ne proférois pas une parole, elle respira des sels, essuya ses yeux, porta plusieurs fois la main sur son front, et d’une voix languissante, nomma Florzel… Je tressaillis, Florzel étoit mon heureux rival ! Après un moment de réflexion : « Mademoiselle, dis-je, ceci me fait beaucoup de peine ; mais puisque vous avez changé, j’aime mieux que ce soit pour Florzel que pour un autre ».