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Page:Georges Eekhoud - Escal-Vigor.djvu/122

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ESCAL-VIGOR

Henry avait été touché aussi par l’empressement avec lequel le domestique avait consenti à quitter la capitale pour le suivre à Smaragdis :

— Eh bien, toi aussi, tu viendras te retirer avec moi sur ce perchoir à mouettes, mon pauvre Thibaut ! C’est gentil, ça !

Il était loin de se douter des ressorts de ce ruffian, et il poussait même l’aveuglement jusqu’à assimiler sa fidélité et son dévouement à ceux de la noble Blandine. Pour tout dire, il se serait peut-être privé plus difficilement de la présence pétulante et tortillée de ce pitre, que de la caresse et de la ferveur que la jeune femme entretenait dans ses ambiances.

Par la suite on comprendra mieux pourquoi la gouaillerie, le sarcasme perpétuel et les blasphèmes de ce larbin flattaient l’âme amertumée du Dykgrave. On s’expliquera comment cette nature aimante, subtile et passionnée toléra si longtemps le voisinage de ce simple pourceau incapable de comprendre n’importe quel amour et n’ayant eu, semblait-il, de rapprochements génésiques que dans une atmosphère de lupanars et de triperies.