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Page:Georges Eekhoud - Escal-Vigor.djvu/142

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ESCAL-VIGOR

tecteur une fidélité aussi totale et aussi intense que celle de Blandine. À son affection fanatique se joignait ce quelque chose d’aigu et de lumineux que l’intelligence et la culture cérébrale ajoutent au sentiment. Guidon, ce soi-disant fou, ce simple, ce mauvais rustre, représentait une valeur morale dans un corps, un moule admirable qui fortifiait et embellissait chaque jour.

Avec le tact, la seconde vue, cet instinct des natures aimantes, il se douta de l’assotement de sa sœur pour le Dykgrave, mais il pressentait aussi que jamais le comte ne la paierait de retour. Guidon ne connaissait que trop sa sœur Claudie et il savait mieux que pas un les abîmes de vulgarité et les incompatibilités totales existant entre elle et Kehlmark.

L’élève en était même arrivé à se savoir préféré par son maître à « madame l’intendante », à cette noble Blandine. Toujours est-il que le comte semblait se préoccuper beaucoup plus de lui que de son amante. Guidon s’enorgueillissait intérieurement de cette prédilection dont il était l’objet, et, par ses prévenances pour la jeune femme, on aurait dit qu’il voulait se faire pardonner la part prépondérante qu’il prenait dans la vie de son maître.