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Page:Georges Eekhoud - Escal-Vigor.djvu/149

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ESCAL-VIGOR

d’épaves, le peintre les faisait souvent poser, s’amusait de leurs luttes et de leur escrime au couteau moucheté, ou bien il les confessait et, avec Guidon, il savourait leur rude langage, le truculent récit de leurs exploits. Ces gars irréguliers, rôdeurs incorrigibles qui n’avaient su s’acclimater nulle part et s’étaient fait renvoyer de partout, ces magnifiques pousses humaines, les premiers maîtres du petit Guidon, ne juraient plus que par Henry et l’Escal-Vigor.

« Dites un mot, proposait tantôt l’un, tantôt l’autre à Kehlmark, voulez-vous que nous saccagions le presbytère ; que nous pendions haut et court ce marmotteur de psaumes ; ou mieux, faut-il que nous lui enlevions la peau comme ceux de Smaragdis le firent autrefois à l’apôtre Olfgar, cet autre trouble-fête ? »

Et ils l’eussent fait comme ils disaient, sur un geste, sur un oui de leur maître, et, avec eux, tous se fussent déchaînés sur l’importun prêcheur.

Plusieurs fois, en passant devant la cure, les musiciens de la ghilde Sainte-Cécile poussèrent des huées. Un soir de libations, on alla même jusqu’à casser les vitres. À la Saint-Sylvestre, on déposa contre la porte du dominé un affreux mannequin