Aller au contenu

Page:Georges Eekhoud - Escal-Vigor.djvu/170

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
162
ESCAL-VIGOR

tous ses caprices. Gérard regardait Wanna avec des yeux sombres, des yeux homicides, mais la blondine se moquait du sauvage et pour le contrarier, espiègle et fine, elle enlevait le plus souvent Tiennet, ou courait se cacher pour qu’il la rejoignît loin du jaloux.

Gérard, à bout de patience, adjura son ami de ne pas se marier. Tiennet lui rit au nez. Es-tu fou, mon grand chéri ? C’est la loi de la nature. Vois les bêtes de notre ferme, vois les fauves des bois !…

— Oh pitié ! je ne sais ce que j’éprouve, mais je te veux pour moi seul, sans partage… Pourquoi imiter les bêtes, et faire comme les autres ? Ne nous suffisons-nous point ? Penses-tu être jamais aimé comme par ton Gérard ? Suspendons, en ce qui nous concerne, la création prolifique. Ne naît-il point assez de créatures ? Vivons pour nous deux, pour nous seuls. Tiennet, pitié ; c’est toi que je veux, tout à moi, toi seul. J’ignore ce que tu es, si tu es un homme comme les autres ; tu m’es incomparable… Oh ! qu’avait-elle besoin de venir entre nous ? Non, je m’explique mal… Tes yeux étonnés me tuent… Écoute, j’ai mal par tout le corps quand je te sais avec elle. Une chaleur mauvaise me circule dans le sang. Vos mains unies