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Page:Georges Eekhoud - Escal-Vigor.djvu/215

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ESCAL-VIGOR

mais m’eussent évité comme un lépreux. Combien de fois en des milieux moins cultivés, lorsque j’entendais flétrir, avec des gestes et des sobriquets horribles, les amants de ma sorte, ne fus-je pas sur le point d’éclater, de proclamer ma solidarité avec les prétendus transgresseurs et de cracher au visage de tous ces implacables honnêtes gens !

Et mes souffrances aussi, quand on mettait la conversation sur la galanterie et les bonnes fortunes ! Forcé de rire, de me mêler à cet assaut d’historiettes croustilleuses et même de raconter à mon tour une gaudriole ou une prouesse libertine, je me sentais lever le cœur et me reprochais ma lâche complaisance.

Le Berger de Feu dont tu m’entendis naguère conter la légende refusa de se rendre en pèlerinage à Rome pour se jeter aux pieds du pape et implorer sa miséricorde. Ce pécheur répudiait tout arbitre entre sa conscience et la foule. Je fus plus humble. Un jour j’écrivis à un révolutionnaire illustre, à un de ces porteurs de torches, qui passent pour être en avance sur tout leur siècle et qui rêvent un monde de fraternité, de bonheur et d’amour. Je le consultai sur mon état comme s’il s’était agi