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Page:Georges Eekhoud - Escal-Vigor.djvu/268

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ESCAL-VIGOR

les cinq pauvres, les préférés de Kehlmark, vainquirent leur lâche obéissance au vœu public, et enlevèrent sur leurs épaules Kehlmark et Guidon enlacés dans une commune agonie. Les rudes hommes pleurèrent, convertis…

Blandine les précéda au château.

Pour ne point porter les blessés jusqu’à l’étage, on leur dressa un lit sur le billard. Les amis reprirent connaissance, presque simultanément. En ouvrant les yeux, ils les arrêtèrent sur Conradin et Frédéric de Bade, puis ils se regardèrent, se sourirent, se rappelèrent la tuerie, s’embrassèrent étroitement, et, leurs lèvres ne se détachant plus, ils attendirent le moment de leurs derniers souffles.

— Et moi, murmura Blandine, ne me diras-tu point un mot d’adieu, Henry ! Songe combien je t’aimais ! Kehlmark se tourna vers elle :

— Oh, murmura-t-il, pouvoir t’aimer dans l’éternité comme tu méritais d’être aimée sur la terre, femme sublime !

Mais, ajouta-t-il, en reprenant la main de Guidon, je voudrais t’aimer, ma Blandine, en continuant aussi à chérir celui-ci, cet enfant de délices !… Oui, rester moi-même, Blandine ! Ne pas