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Page:Georges Eekhoud - Escal-Vigor.djvu/51

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ESCAL-VIGOR

ment balancé et tortillé semblait suivre les ondulations de la musique et exécutait sur place une danse très lente, comparable au frémissement des trembles, par ces nuits d’été où la brise se réduit à la respiration des plantes. La sculpturale cambrure de ce jeune rustre qui joignait le relief musculaire de ses pareils à l’on ne sait quel souci de la ligne, rappelait précisément à Kehlmark le Joueur de chalumeau de Frans Hals. Cet éphèbe lui représentait un merveilleux tableau vivant d’après la toile du musée d’Upperzyde. Son cœur se serra, il retint sa respiration, en proie à une ferveur trop grande.

Michel Govaertz s’étant aperçu de l’attention accordée par le Dykgrave au jeune soliste, profita de la pause qui suivit pour aborder celui-ci et l’amener assez brutalement par l’oreille, au risque de la lui meurtrir, auprès de Kehlmark.

Rien ne rendrait l’expression à la fois piteuse, effarouchée et extatique du petit sonneur de bugle brusquement confronté avec le Dykgrave. Il semblait que dans ses yeux et sur sa bouche se concentrassent toute la sublime détresse d’un martyr.

— Monsieur le comte, voilà mon fils Guidon, le vaurien dont je vous parlais tout à l’heure, ricana