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Page:Georges Eekhoud - Escal-Vigor.djvu/56

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ESCAL-VIGOR

prit aussitôt à commenter le regard caressant de tout à l’heure. Il s’écarta des buveurs pour errer dans les salons et admirer à son tour les tableaux. Occupé ostensiblement à courtiser la plantureuse Claudie, Henry observait souvent à la dérobée le jeune bugle de la Ghilde. Il surprit l’expression à la fois réfléchie et extatique du petit devant Conradin et Frédéric, auxquels la sœur n’avait accordé tout à l’heure qu’une attention de liseuse de causes et de supplices célèbres.

À pleins verres, le Dykgrave avait fait raison aux rudes donneurs de sérénades. Il leur sembla même un tantinet éméché, ce qui n’était point fait pour les choquer, eux les indigènes de Smaragdis, solides buveurs comme tous ceux du Nord.

La compagnie, en appétit d’exercice, se répandit dans les jardins et sur la plage qui retentirent de lourds ébats et de clameurs luronnes. Le hourvari effara même un couple de mouettes dans les arbres de la Digue, et Kehlmark, qui se promenait avec Claudie sur la terrasse du côté de la mer, vit quelque temps les bestioles tournoyer avec des cris lamentables autour de la lanterne du phare et leur accorda un effluve de poétique commisération, dont sa compagne ne se douta pas un instant.