LETTRES
A l’Empereur J o s e p h, au mois de Décembre 1787.
JE voudrois signaler mon arrivée en rendant
bon compte à Votre Majesté Impériale de ses
ennemis et de ses amis ; mais les premiers sont
trop loin, et les seconds trop égoïstes. Quelle
différence entre cette année et l’année passée !
Quel beau zèle, Sire, vous aviez trouvé ici !
L’Impératrice m’avoit impatienté plusieurs fois, en me demandant si les Autrichiens avoient pris Belgrade. Je lui répondis à la dernière question que le bacha d’Oczakow étoit trop galant pour se rendre sans son consentement. Enfin j’arrive. Quel tems ! quel chemin ! quel hiver ! quel quartier-général que cette Elisabeth !
Je suis confiant, moi ; je crois toujours qu’on m’aime, et je me figurai que le prince Potemkin seroit charmé de me voir. Je lui saute au cou ; je lui demande à quand Oczakow ? — Eh ! mon Dieu, dit-il, il y a 18,000 hommes de garnison ; je n’en ai pas tant dans mon armée. Je manque de tout : je suis le plus