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Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/145

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des mines d’or et des Steppes dans l’un et dans l’autre ; mais ce colosse-ci est mieux nourri ; l’autre s’amincit en grandissant. Dieu nous conserve l’immortelle Impératrice ; mais, comme elle ne le sera que dans l’histoire, je crois qu’il faudroit extrêmement ménager le Grand-duc, qui, en réformant des millions d’abus, en créera d’autres : capable de travail, changeant trop souvent d’avis et d’amis pour avoir un favori, un conseiller, ou une maîtresse ; prompt, ardent, inconséquent, il sera peut-être à craindre un jour, si c’est à lui que sa mère laisse l’empire ; mais je crois que si elle en a le tems ce sera plutôt au petit Grand-duc Alexandre ; car elle éloigne autant son fils des affaires qu’elle en rapproche son petit-fils. Elle le forme elle-même au gouvernement, tout jeune qu’il est. Son père est dans ce moment-ci tout prussien ; mais il ne l’est peut-être que comme M. le Dauphin étoit dévot, parce que Louis XV ne l’étoit pas.

Voici encore une addition à ce portrait : son esprit est faux, son cœur droit ; son jugement est un coup du hasard ; il est méfiant, susceptible, aimable en société, intraitable en affaires, passionné pour l’équité, mais emporté par sa fougue, qui ne lui permet pas de distinguer la vérité ; faisant le frondeur ; jouant