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Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/183

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être encore plus grand et plus gros qu’un prince Potemkin ; d’une main faisant des signes aux femmes qui lui plaisent, et de l’autre des signes de croix ; les bras en crucifix au pied d’une figure de la vierge, ou autour du cou d’albâtre de sa maîtresse ; recevant des bienfaits sans nombre de sa grande souveraine, les distribuant tout de suite ; acceptant des terres de l’Impératrice, les lui rendant ou payant ce qu’elle doit sans le lui dire ; vendant et rachetant d’immenses domaines pour y faire une grande colonnade et un jardin anglois, s’en défaisant ensuite ; jouant toujours ou ne jouant jamais ; aimant mieux donner que payer ses dettes ; prodigieusement riche sans avoir le sou ; se livrant à la méfiance ou à la bonhomie, à la jalousie ou à la reconnoissance, à l’humeur ou à la plaisanterie ; prévenu aisément pour ou contre, revenant de même ; parlant théologie à ses généraux, et guerre à ses archevêques ; ne lisant jamais, mais sondant tous ceux à qui il parle, et les contredisant pour en savoir davantage ; faisant la mine la plus sauvage ou la plus agréable ; affectant les manières les plus repoussantes ou les plus attirantes ; ayant enfin tour-à-tour l’air du plus fier satrape de l’Orient ou du courtisan le plus aimable de Louis XIV ; sous une grande apparence de dureté, très-doux