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Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/199

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tourné et battu, malgré tout ce qu’il avoit fait d’héroïque.

On est pris en se promenant, par les canonnades, comme par la pluie : elles commencent, pour la plupart, aussi ridiculement qu’elles finissent, sans savoir pourquoi, après avoir duré quatre ou cinq heures.

Quand elles ont lieu de nuit, c’est le plus superbe des spectacles. C’est au peintre que je parle à présent. Imaginez deux lignes de feu qui déchirent le firmament, deux rideaux enflammés, tout l’air embrasé, et un ciel qui ressemble diablement à l’enfer.

Votre vie, mon cher S…., ressemble, en revanche, au paradis. Vous n’avez brûlé que pour de jolies femmes : et moi j’ai grillé six mois, absolument grillé pour ces vilains Turcs, quand j’entendois un peu de vent, j’ouvrois ma porte : et comme ce vent ne m’apportoit que des bouffées de fournaise ardente, je la refermois au plus vite. Les serpens, les lézards et les tarentules se glissent quelquefois dans ma tente, à travers les herbes, plus hautes que moi, qui nous entourent. Une de ces tarentules a piqué dernièrement un officier de chevau-légers, à qui on a été obligé de couper le bras. Le tonnerre a tué un autre officier dans sa tente, ainsi que plusieurs soldats : il