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Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/20

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odieux quand je m’en sers : à plus forte raison quand il faut le supporter des autres. Si je le prononce quelquefois dans ce récit, c’est que je suis obligé de parler de moi, en racontant ce que le Roi de Prusse m’a dit. Voici tout ce que je me rappelle, et qui ne seroit peut-être pas digne d’être écrit s’il s’agissoit d’un autre. Un autre, à la vérité, ne diroit pas de ces choses-là : d’ailleurs, je le répète, les moindres petites paroles d’un homme comme celui-ci doivent être recueillies.

Par un hasard extraordinaire, en 1770 l’Empereur put se livrer à l’admiration personnelle qu’il avoit conçue pour le Roi de Prusse ; et ces deux grands Souverains furent assez bien ensemble pour se faire des visites. L’Empereur me permit d’y assister, et me présenta au Roi : c’étoit au camp de Neustadt, en Moravie. Je ne puis point me souvenir si j’eus, ou si je pris l’air embarrassé ; ce que je me rappelle fort bien, c’est que l’Empereur, qui s’en aperçut, dit au Roi, en parlant de moi : Il a l’air timide, ce que je ne lui ai jamais vu : il vaudra mieux tantôt. Il mit à dire cela de la grâce et de la gaîté, et ils sortirent ensemble du quartier-général pour aller, je crois, au spectacle. Le Roi, chemin faisant, quitta l’Empereur un instant pour me demander