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Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/270

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près de tomber, mais il vaut mieux le savoir tenir comme vous, Madame, d’une main ferme. Un Roi a souvent envie d’être un héros. Cela est bon pour nous autres sujets, mais dangereux pour un Souverain : dès lors il s’expose à la jalousie de ses généraux, à l’esprit de parti dans sa propre armée, à la ruine ou à l’usurpation. Le grand homme disparoît imperceptiblement, et fait place à l’heureux conquérant, qui finit quelquefois par être conquis. Il rapporte dans sa cour la dureté des campagnes, l’humeur, la méfiance et la présomption. Qui sait ce qui seroit arrivé au grand homme femme, si elle avoit été grand homme homme ? V. M. auroit voulu être Empereur de toutes les gloires, comme de toutes les Russies : et si le Dieu des armées, ne se souvenant plus de la primitive église, avoit favorisé celle de Rome ou de Luther, vous n’auriez jamais capitulé au Pruth, comme le héros qui l’est devenu sans le savoir, ou fui en Turquie, comme Charles XII, son ennemi.

Votre état de femme vous a valu cet aplomb qui donne de la majesté, ce calme qui donne une certaine mollesse noble, sans être inactive, et la méditation qui en est la suite. Je ne répondrois pas de V. M. à cheval, mais j’en réponds appuyée sur une table où son excel-