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Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/300

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est, ou pour prouver qu’elle ne peut pas être vraie, et je l’entends raconter de telle manière que je me prendrois en guignon moi-même si j’y avois eu la moindre part.

Si quelque chose de gai à faire ou à dire s’est présente à moi, je m’en suis vraisemblablement passé la fantaisie. Mais je déteste les diseurs de bons mots de profession, ceux qui veulent être cités, les facétieux, les mystificateurs, les farceurs, et tous les rôles qu’on veut prendre dans la société, plutôt que le sien propre.

UN faiseur de pensées songe souvent à être applaudi plus qu’à être entendu, et se laisse aller à un petit scintillement qui éblouit sans éclairer. Il y a un petit mécanisme de définitions, d’explications, de synonymes, d’antithèses, de comparaisons, de ressemblances, de différences, qui fait fort aisément, quand on le veut, de la réputation. Les pensées détachées sont le genre le plus facile pour un homme d’esprit ; mais, comme tout ce qui est facile, cela exige d’autant plus de valeur réelle. Il en est de la littérature comme de la musique, les difficultés vaincues empêchent d’apercevoir si l’on est vraiment bon musicien : un air simple ne permet pas de s’y tromper.