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Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/314

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PORTRAIT DE M. DE B.


M. de B… a été successivement abbé, militaire, écrivain, administrateur, député, philosophe ; et de tous ces états il ne s’est trouve déplacé que dans le premier. M. de B… a beaucoup pensé, mais par malheur, c’étoit toujours en courant. Son mouvement est ce qui nous a le plus vole de son esprit. On voudroit pouvoir ramasser toutes les idées qu’il a perdues sur les grands chemins avec son tems et son argent : peut-être avoit-il trop d’esprit pour qu’il fût en son pouvoir de le fixer quand le feu de sa jeunesse lui donnoit tout son essor. Il falloit que cet esprit fît tout de lui-même, et maîtrisât son maître ; aussi a-t-il brillé d’abord avec tout le caprice d’un feu follet, et l’âge seul pouvoit lui donner la sagesse d’un fanal. Une sagacité sans bornes, une profonde finesse, une légèreté qui n’est jamais frivole, le talent d’aiguiser les idées par le contraste des mots, voilà les qualités distinctives de son esprit à qui rien n’est étranger. Heureusement il ne sait pas tout ; mais il a pris la fleur des diverses connoissances, et surprendra par sa profondeur tous ceux qui le savent léger,