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Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/318

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ce mot ; je crains qu’il n’en ait pas les plaisirs, et qu’il n’en éprouve les maux. La profondeur de ses réflexions se tournera plutôt vers le malheur que vers le bonheur ; il négligera les agrémens du présent pour penser aux menaces de l’avenir. Il est quelquefois trop jeune, et quelquefois trop vieux ; ce trop de jeunesse l’empêche de voir les charmes de l’existence qu’il aura, et ce trop de vieillesse, quand il les voit, les lui fait mépriser. Voyez-le se promener en redingotte à petits collets, tête baissée et le corps en avant, un gros livre sous le bras gauche, et un petit à la main droite, qui tient aussi sa canne à pomme rouge, qu’il n’appuie jamais à terre. Il s’enfonce dans le bois, gravit les montagnes : ne le croyez-vous pas pour cela pastoral ou champêtre ? point du tout, il quitte un ruisseau pour un torrent qu’il entend sans pouvoir le trouver. Il foule aux pieds un tapis de violettes pour chercher des précipices, et ne regarde les moutons que lorsqu’ils sont mis en fuite par l’orage. Il a deviné tout ce qu’il n’a pas eu le tems d’apprendre ; il sait ce qu’il ne peut pas savoir. L’harmonie, les images viennent se placer dans ses vers, sans qu’il s’en doute. A-t-il une description à faire ? la nature n a rien de caché pour lui ; la physique, l’astro-