Aller au contenu

Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/322

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ses vertus sont si naturelles, si simples, si faciles qu’on ne les prend que pour des qualités. Elle n’a jamais distingué ses devoirs de ses affections. Éléonore, pour être parfaite, n’avoit qu’à suivre tous les penchans de son cœur. Elle apportoit dans le monde tant de candeur et d’ignorance du mal, que tout y devoit surprendre son innocence native. Confiante par nature, et défiante par nécessité, elle est douée d’un tact aussi sûr que fin pour juger le caractère des autres : elle étonne quelquefois en leur soupçonnant des intentions et des projets dont elle seroit elle-même incapable. Mais pourtant cette prudence a encore beaucoup de distractions ; le naturel l’emporte presque toujours sur l’expérience, et quoique souvent ce soit sa défiance qui juge, c’est plus souvent sa confiance qui agit.

Le contraste le plus frappant qu’on puisse remarquer en elle c’est celui de la légèreté de son esprit avec la sensibilité de son ame. Toute son inconstance est dans ses idées, toute sa solidité dans ses sentimens ; aussi lorsqu’à travers l’agrément irrégulier de sa conversation l’on découvre en elle une raison parfaite, on lui sait d’autant plus de gré de cette raison qu’elle semble inspirée par la sensibilité même, au lieu de la réprimer.