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Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/334

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L’Esprit. Si je croyois en Dieu, je ne professerois point de culte.

Le Cap. Vous finiriez par ne plus penser à Dieu. Pardonnez encore cette comparaison profane : on n’aime bientôt plus sa maîtresse si on ne la voit plus, si on ne lui écrit point, si on jette la rose qu’on lui a arrachée.

L’Esprit. Encore ton sot amour !

Le Cap. Eh bien, Monsieur, une comparaison plus noble, puisque j’ai eu l’honneur de servir l’Empereur : mon Colonel disoit que pour faire son devoir il faut faire plus que son devoir : voilà encore de la superstition.

L’Esprit. Ainsi donc, dégoûté de ce monde-ci, tu as daigné penser à l’autre ?

Le Cap. Non : mais bientôt, trouvant le néant des vanités et des plaisirs, me moquant des unes, blasé sur les autres, mes principes de religion ne m’ayant jamais abandonné, d’homme je me suis fait chrétien, de chrétien catholique, de catholique religieux, de religieux dévot, de dévot capucin, et de capucin philosophe.

L’Esprit. Belle généalogie ! ces deux noms vont surtout parfaitement bien ensemble. Tu devois dire plutôt un épouvantail pour les oiseaux, ou une figure ridicule qui fait rire les enfans.

Le Cap. Messieurs, vous avez eu les rieurs pour Vous avant de devenir sérieux. Les gens d’esprit qui ne prévoyoient pas les suites de leur gaieté interprétée par des gens tristes, s’en sont donné quel-