Aller au contenu

Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Roi fit un petit tour à Rome et à Sparte : il aimoit à s’y promener. Après une demi-seconde de silence, pour faire plaisir à de Lille, je dis au Roi que M. de Voltaire étoit mort dans ses bras. Cela fit que le Roi lui adressa quelques questions : il répondit un peu trop longuement, et s’en alla ; et Charles et moi nous restâmes à dîner. C’est là, pendant cinq heures tous les jours, que la conversation encyclopédique du Roi acheva de m’enchanter. Beaux-arts, guerre, médecine, littérature et religion, philosophie, morale, histoire et législation passoient tour à tour en revue. Les beaux siècles d’Auguste et de Louis XIV ; la bonne compagnie des Romains, des Grecs et des François ; la chevalerie de François Ier la franchise et la valeur de Henri IV ; la renaissance des lettres, et leur révolution depuis Léon X ; des anecdotes sur les gens d’esprit d’autrefois, leurs inconvéniens ; les écarts de Voltaire, l’esprit susceptible de Maupertuis, l’agrément d’Algarotti, le bel esprit de Jordans ; l’hypocondrie du marquis d’Argens, que le Roi se plaisoit à faire coucher pendant vingt-quatre heures, en lui disant seulement qu’il avoit mauvais visage : que sais-je, enfin ? tout ce qu’il y avoit à dire de plus varié et de plus piquant, c’étoit ce qui sortoit de sa bouche,