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Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/42

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les lauriers qui poussent chez vous, Sire, à ce qu’il me semble. — Le Roi me fit une mine charmante ; et, pour détourner la fadeur par une bêtise, j’ajoutai bien vite : et puis, Sire, il y a trop de grenadiers dans ce pays-ci ; cela mange tout. — Et le Roi se mit à rire, parce qu’il n’y a que les bêtises qui fassent rire.

Un jour j’avois retourné une assiette pour voir de quelle porcelaine elle étoit. — D’où la croyez-vous ? — Je la crois de Saxe, mais au lieu de deux épées je n’en vois qu’une, qui les vaut bien. — C’est un sceptre. — J’en demande pardon à Votre Majesté, mais il ressemble si fort à une épée qu’on pourroit bien s’y méprendre. — Et, en vérité, cela étoit vrai de toutes les manières. On sait que c’est la marque de la porcelaine de Berlin. Comme le Roi faisoit quelquefois le roi, et comme il se croyoit quelquefois bien magnifique lorsqu’il prenoit une canne et une boîte avec quelques petits vilains diamans qui couroient l’un après l’autre, je ne sais trop si ma petite allégorie lui plut infiniment.

Un jour, comme j’arrivois chez lui, il vint à moi, et me dit : Je tremble de vous annoncer une mauvaise nouvelle. On vient de m’écrire que le Prince Charles de Lorraine est à toute extrémité. — Il me regarda pour voir l’effet que