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Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/87

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Encore une fois, que fais-je donc ici ? Suis-je prisonnier Turc ? Suis-je jeté sur cette côte par un naufrage ? Suis-je exilé comme Ovide ? Le suis-je par quelque cour ou par mes passions ? Je cherche et je me dis : point du tout. Après mes enfans et deux ou trois femmes que j’aime, ou crois aimer à la folie, mes jardins sont ce qui me fait le plus de plaisir au monde : il y en a peu d’aussi beaux. Je me plais à y travailler pour les embellir encore. Je n’y suis presque jamais. Je n’y ai jamais été dans la saison des fleurs, lorsque de petites forêts d’arbustes précieux parfument l’air. Je suis à 2000 lieues de tout cela. Possesseur de terres sur les bords de l’Océan, je me trouve dans mes terres sur le bord du Pont-Euxin. Une lettre de l’Impératrice m’arrive à 800 lieues de distance. Elle se souvient de nos conversations sur les beaux tems de l’antiquité ; elle me propose de la suivre dans ce pays enchanteur à qui elle a rendu le nom de Tauride, et, en faveur de mon goût pour les Iphigénies, elle me donne l’emplacement du temple dont la fille d’Agamemnon étoit prêtresse.

Oubliant enfin toutes les puissances de la terre, les trônes, les dominations, j’éprouvai tout d’un coup un de ces charmans anéantissmens que j’aime tant, lorsque l’esprit se