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Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/172

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par l’obscurité de la nuit, il était tombé dans la même erreur que moi, ou peut-être que trouvant la porte de la chambre de sa chère nièce ouverte, la tendresse l’avait fait courir à son lit, où il l’avait trouvée plus occupée qu’elle ne devait l’être, que frappé de l’idée d’infamie, dont elle couvrait son front respectable, il s’était jeté à travers les combattants, et leur avait dit à tous les deux plus que leur nom, et même donné des témoignages de sa colère plus forts que jeu.

Mais le bruit redouble ; ils s’étranglent ; quel tintamarre effroyable ; eh ! vite, madame Françoise, volez sur le champ de bataille : l’honneur, l’amour, la curiosité, la tendresse maternelle, tout vous en fait une loi. Allez séparer des ennemis si chers, et dont la mort vous ferait mourir de douleur ; mais, au nom de Dieu, laissez la porte ouverte pour que je puisse me sauver. Oh ! la chienne ! elle la ferme à double tour. Malheureux Saturnin, comment vas-tu faire ? Comment vas-tu t’échapper ? La dame Françoise va s’apercevoir que ce n’est pas avec le curé qu’elle a eu affaire, le curé va entrer ici, il va te trouver… Ah ! pauvre diable, quel orage de coups va fondre sur ta peau ! Tu payeras pour les autres !

Telles étaient les pensées qui m’agitaient tandis qu’on chamaillait dans la chambre voisine. J’avais essayé d’ouvrir la porte, mais inutilement. Réduit à pleurer ma malheureuse situation, je m’y abandonnais lâchement, insensé que j’étais, comme si je n’eusse pas déjà éprouvé que telle est la condition des hommes ; que leurs biens et leurs maux ont une liaison si étroite, se suivent de si près qu’au sein du malheur même on ne doit pas désespérer de son bonheur ; que souvent, au moment que vous vous croyez accablé par les coups redoublés du