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Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/202

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Je ne saurais mieux finir ; je quitte le pinceau, de nouveaux coups ne feraient qu’affaiblir ma peinture.

La nièce du Père Casimir était brune, petite, mais vive et pétillante. Le premier coup d’œil ne lui était pas favorable, mais l’examen la vengeait. Elle savait ménager avec tant d’adresse la vue d’une gorge qui n’était pas absolument belle, qu’elle en tirait meilleur parti qu’une autre ne l’aurait pu faire d’une gorge plus accomplie. Ses yeux étaient petits, mais noirs et animés par le feu de l’amour ; ils promenaient sur vous ces regards fins et enjoués qui paraissaient conduits par l’indifférence, mais qui l’étaient par la coquetterie la plus raffinée. Sa bouche était grande, mais bien bordée ; elle riait volontiers : elle croyait ne montrer que la beauté de ses dents, et découvrait des grâces d’autant moins suspectes qu’elles n’étaient pas étudiées. Elle en enchantait par la vivacité et le sel de ses polissonneries.

En un mot, c’était ce qu’on pouvait souhaiter de plus charmant pour attraper le jour, sans s’apercevoir qu’on a passé la nuit.

Aussitôt que je me vis placé à côté de cette aimable fille, je sentis renouveler ces mouvements confus que j’avais autrefois éprouvés, quand le hasard m’avait fait découvrir Toinette et le Père Polycarpe. La longue privation du plaisir m’avait formé, pour ainsi dire, une seconde nature, aussi susceptible d’impressions aussi vives et aussi piquantes. Je recommençai à vivre, parce que je crus que j’allais revivre pour le plaisir.

Je regardais ma voisine, dont l’air riant et facile me faisait connaître que mes désirs ne languiraient qu’autant de temps que j’aurais la simplicité de ne les pas expliquer. Je sentais bien que ce n’était pas l’envie de faire la vestale qui la faisait trouver au milieu d’une