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Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/209

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le soin de conduire les choses secrètement ; il était juste qu’il prît sur lui les risques des hasards auxquels il exposait sa chère nièce. Elle en sortit à son honneur, et tout aurait été le mieux du monde, si cette grossesse inattendue n’avait pas mis le désordre dans nos assemblées nocturnes. J’essayai du remède de Casimir, et, sur ses traces, je me rendis bientôt redoutable au cul de tous nos Novices ; mais je retombai peu de temps après dans mes anciennes erreurs, et les plaisirs du con m’enlevèrent à ceux du cul.

Quelque jour, après avoir chanté ma première messe, le Prieur me fit avertir d’aller dîner dans sa chambre. J’y fus, et je trouvai avec lui quelques anciens qui me reçurent, ainsi que le Prieur, avec de vives accolades que je ne savais à quoi attribuer. Nous nous mîmes à table, et nous fîmes une chère de Prieur : c’est tout dire. Quand le vin, que sa Révérence avait soin de ne pas choisir dans le plus mauvais crû, eût répandu la gaieté dans la conversation, je fus surpris d’entendre mes doyens, donnant l’essor à leur langue, lâcher les B… et les F… avec une aisance que je n’aurais pas attendue de gens que j’avais toujours vus sous le masque de la réserve.

Le Prieur, voyant mon étonnement, me dit :

— Père Saturnin, nous ne nous gênons plus avec vous, parce qu’il est temps que vous ne vous gêniez plus avec nous ; oui, mon fils, ce temps est arrivé. Vous avez reçu le Saint Ordre de Prêtise, cette qualité vous rend aujourd’hui notre égal et me met dans l’obligation de vous révéler des secrets importants qui vous ont été cachés jusqu’à présent et qu’il serait dangereux de confier à de jeunes gens qui pourraient nous échapper et divulguer des mystères qui doivent être ensevelis dans