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Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/211

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Nos convives éclatèrent de rire. À cette exclamation, le Prieur me répondit :

— Comment donc, mon fils, nous croyez-vous plus dupes que les autres ? Non, nous ne le sommes pas. Sachez que nous avons ici un endroit où, grâce au ciel, nous ne manquons pas de ces secours.

— Ici ! repris-je, mon Père, et vous ne craignez pas que l’on le découvre ?

— Non, non, me répliqua-t-il, il est impossible de nous découvrir. Va-t-on déterminer un petit espace de terrain, placé entre la bibliothèque et quelques anciennes chapelles où l’on ne va jamais, et un grand mur qui le couvre du côté du jardin ? Le continent de notre maison est trop vaste pour qu’on puisse s’apercevoir de cet endroit. Nous sommes en sûreté de tous côtés, et si vous, qui demeurez ici depuis neuf ans, n’en avez seulement pas d’idée, comment voudriez-vous que des étrangers s’en aperçussent ?

— Ah ! m’écriai-je, quand me sera-t-il permis d’aller avec vous travailler à consoler ces charmantes recluses ?

— Les consolations ne leur manquent pas, me répondit-il en riant, et vous avez à présent le droit de leur en donner, car pour plus grande sûreté, nous n’admettons, comme je viens de vous le dire, que ceux à qui leur propre intérêt impose la discrétion : ceux qui ont reçu la qualité de prêtre. Vous êtes de ce nombre, vous y viendrez quand vous voudrez.

— Quand je voudrai ? interrompis-je, ah ! mon Père, je suis homme à vous sommer de tenir votre parole dès à présent !

— Pour le présent, non, me répondit-il. Il faut attendre jusqu’à ce soir. C’est l’heure à laquelle nos Frères, pressés par leurs besoins, viennent se rendre ici