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Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/213

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reproches sont justes ; mais soyez persuadé que ce n’est pas par un défaut de tendresse qu’on vous a interdit l’entrée de notre piscine. L’amour que nous avons pour vous et dont nous vous avons toujours donné des marques, cet amour a longtemps combattu contre la sévérité de nos règles ; mais enfin il faut de l’ordre, et le temps nous met toujours en état de faire cesser vos plaintes. Dès tantôt vous aurez ce plaisir que vous souhaitez, vous embrasserez votre mère. Elle vit encore. Si vous n’avez pas eu ce plaisir plus tôt, ce n’est pas un bien que vous avez perdu, c’en est un que vous allez trouver.

— Ah ! m’écriai-je, que j’ai d’impatience de me voir dans ses bras !

— Modérez-la, me dit-il, le sacrifice ne sera pas long. Vous n’y avez plus que quelques heures à attendre. Déjà le soleil baisse, la nuit s’avance, et l’heure viendra sans que nous y pensions. Nous souperons à la piscine, on vous y attend. Vous ne paraîtrez au réfectoire que pour le decorum et vous viendrez nous retrouver ici.

Le plaisir de voir ma mère n’était pas le motif le plus pressant qui me fit désirer l’entrée de la piscine. L’espérance d’y goûter sans contrainte toutes les délices de l’amour dans les bras d’un nombre de jolies femmes dévouées à mes désirs, offrait à mon cœur une immensité de plaisirs que tous les efforts de mon imagination ne me rendaient que faiblement.

— Le voilà donc arrivé, me disais-je, ce temps que j’ai si fort souhaité ! Heureux Saturnin, plains-toi de ton sort ! Dans quel état de la vie aurais-tu trouvé ce que l’on vient de t’annoncer aujourd’hui ? Regretteras-tu des jours passés dans la tristesse, si ceux qui les vont suivre sont aussi charmants que tu dois te le promettre ?

L’heure vint ; je retournai chez le Prieur. J’y trouvai