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Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/250

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moi ! Je gagnai ma chambre avec ce cher fardeau. Dieux ! qu’il était léger ! Je le mets sur mon lit, je ferme ma porte, je rallume ma bougie et je reviens, plus tremblant que je ne l’avais encore été, considérer ma proie. Tous mes mouvements ne lui avaient pas fait reprendre ses esprits. Je découvre toute sa gorge, je lève ses jupes, j’écarte ses cuisses ; un sentiment délicieux combat contre ma lubricité. Je m’arrête, j’examine, j’admire. Quel voluptueux spectacle ! L’amour et les grâces se trouvaient sur toutes les parties de son corps. Blancheur, embonpoint, fermeté, délicatesse, tout y charmait, tout était fait au tour. Le blanc parsemé de petites veines bleues, qui montraient la finesse de la peau ; le noir d’un poil plus doux que le velours ; le vermeil d’un con ménagé avec les nuances les plus heureuses, formaient un contraste parfait, et me faisaient douter laquelle de ces couleurs contribuait le plus à la perfection d’un tableau qui m’enchantait. Apelle, toi qui travaillas pendant dix ans à rassembler les traits des beautés les plus parfaites de la Grèce, si ma dévote s’était offerte à tes yeux, tu l’aurais peinte, et la divinité que tu voulais représenter en eût été jalouse !

Las d’admirer sans jouir, je portai la bouche et les mains avec fureur sur ce que je venais de voir ; mais à peine y eus-je touché que mon aimable dévote poussa un grand soupir et commença à donner un signe de connaissance en portant sa main où elle sentait la mienne. Je la baise, ma bouche reste collée sur sa bouche. Ma dévote veut se débarrasser, elle me repousse. Surprise, effrayée de se trouver sur un lit dans une chambre, elle jette des regards inquiets, elle cherche à pénétrer en quel lieu elle est, elle veut parler, sa langue