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Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/257

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— Ah ! s’écria-t-elle, je reconnais Suzon à ce portrait. Elle m’a trahie !

— Oui, lui répondis-je, c’est elle ; mais c’est un secret qu’elle n’a jamais révélé qu’à moi, et pour t’engager davantage à lui pardonner, je t’avouerai que ce n’est qu’à mes importunités que je dus la confiance de cette chère sœur.

— Comment, reprit Monique, tu es le frère de Suzon ? Ah ! je ne me plains plus d’elle, et si je le faisais, je me mettrais dans la nécessité de la défendre contre les plaintes que tu en pourrais faire à ton tour, car elle ne m’a pas caché ce qui lui était arrivé avec toi.

Nous nous attendrîmes ensemble sur le sort de notre malheureuse Suzon, et la Sœur Monique reprit ainsi le fil de son discours :

— Puisque Suzon t’a tout dit, qu’elle t’a conté mon aventure avec Verland, tu dois te douter que c’est de lui que je veux te parler à présent.

Ma métamorphose l’avait surpris ; il m’avait vue à la grille, vive, ardente, coquette : une absence de plusieurs années ne m’avait pas fait sortir de son souvenir. Le bruit que faisait ma dévotion était dans toute sa force quand il revint. Il ne voulut en croire que ses yeux sur ce prétendu changement. Il me vit à l’église, et l’amour lui fit bientôt un devoir d’une exactitude à m’y suivre, qu’il n’avait prise d’abord que pour un simple mouvement de curiosité.

Ma feinte dévotion ne m’empêchait pas de lancer à la dérobée des regards curieux sur ce qui m’environnait ; je l’aperçus, je sentis les plus vives émotions, je rougis à la vue d’un homme qui avait autrefois été témoin de toute ma faiblesse, et je rougis encore plus de ne pou-

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