Aller au contenu

Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/259

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 223 —

— Celle de vous adorer, me répliqua-t-il, en collant un baiser sur ma main, que je n’eus pas la force de retirer.

Je lui fis connaître par mon silence que ce nouveau crime n’était pas inexcusable, et dans la crainte de m’ouvrir trop à une première entrevue, je le quittai, charmée de l’aveu d’un amour que le mien avait déjà prévenu.

J’étais persuadée que si Verland était sincère, il trouverait facilement l’occasion de m’en donner de nouvelles assurances ; il pénétra le motif de ma retraite, et n’affecta pas de la troubler par une obstination qui pourrait me déplaire. Il me laissa partir en souriant. J’entendis ses soupirs et les miens lui répondaient au fond de mon cœur.

Que te dirai-je ? Une seconde entrevue lui valut l’aveu d’une tendresse réciproque et mon consentement aux démarches qu’il me demanda la permission de faire auprès de ma mère pour en obtenir ma main. Elle la refusa ; j’en fus au désespoir. Son refus irrita mon amour ; Verland en était accablé. Nous nous étions ôté, par une démarche imprudente, toute espérance, et, pour comble d’horreur, ma mère était devenue ma rivale. Elle se trahit elle-même par les éloges continuels qu’elle faisait de Verland. Le caractère de dévote qu’il fallait soutenir m’ôtait la liberté de lui demander la raison du refus qu’elle avait fait d’un homme à qui elle trouvait tant de perfections. Ainsi, triste victime de la dévotion et de l’amour, j’étais réduite à la dure nécessité de dévorer ma douleur, et de ne laisser paraître sur mon visage qu’une indifférence qui rendait mes peines plus cruelles. Je n’y pus pas résister. J’étais furieuse contre ma mère, j’étais furieuse contre moi-