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Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/88

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cilier avec le Père des miséricordes et m’approcher du très saint sacrement de la pénitence. On me fit là-dessus bien des exhortations, que je passe pour ne pas t’ennuyer.

Ma mère m’avait presque convertie avec ses sermons. Cependant, la peine que je sentais à avouer mes fautes aurait dû me faire douter de ma conversion, et le Père Jérôme m’en arrachait la confession plutôt que je ne le lui faisais. Dieu quel plaisir il avait, ce vieux pécheur ! Je ne lui en avais jamais tant dit ; encore ne sut-il pas tout ; car je ne crois pas que Dieu puisse faire un grand crime à une pauvre fille de chercher à se soulager quand elle est pressée. Elle ne s’est pas faite elle-même ; est-ce sa faute si elle a des désirs, si elle est amoureuse ? Est-ce sa faute si elle n’a pas un mari pour la contenter ? Elle cherche à apaiser ces désirs qui la dévorent, ce feu qui la brûle ; elle se sert des moyens que la nature lui donne : rien n’est moins criminel.

Malgré les petits mystères que j’avais faits au Père Jérôme, je ne laissais pas d’être pénétrée. Était-ce repentir ? Non. La véritable cause était le refus que le Père avait fait de me donner l’absolution. Je craignais qu’il ne fournît une nouvelle matière à la médisance ; j’en étais touchée jusqu’aux larmes. Je craignais qu’en allant offrir ma confusion aux yeux de mes ennemies, je ne leur donnasse un nouveau sujet de triompher. J’allai me placer sur un prie-dieu, vis-à-vis de l’autel ; mes pleurs m’assoupirent, je m’endormis. J’eus pendant mon sommeil le rêve le plus charmant ; je songeais que j’étais avec Verland, qu’il me tenait dans ses bras, qu’il me pressait avec ses cuisses. J’écartai les miennes, je me prêtais à tous ses mouvements. Il me maniait les