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Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/96

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ne traversai le corridor qu’en tremblant, et quoique tout le monde fut enfoncé dans le sommeil, je croyais les yeux de tout le monde ouverts sur moi. Je n’avais, pour me conduire, d’autre lumière que celle de mon amour. Ah ! disais-je en marchant à tâtons dans l’obscurité, si Martin m’avait manqué de parole, j’en mourrais de douleur ! Il était au rendez-vous, mon cher Martin, aussi amoureux, aussi impatient que j’avais été ponctuelle. J’étais vêtue fort légèrement ; il faisait chaud, et je m’étais aperçue la veille que les jupes, les corps, les mouchoirs de gorge, tout cela était trop embarrassant. Sitôt que je sentis la porte ouverte, un tressaillement de joie me coupa la parole. Je ne la recouvrai que pour appeler mon cher Martin à voix basse : il m’attendait ; il accourut dans mes bras, il me baisait ; je lui rendais caresse pour caresse. Nous nous tînmes longtemps étroitement serrés, mais revenus de ces premiers mouvements de notre joie, nous cherchâmes réciproquement à en exciter de plus grands. Je portai la main à la source de mes plaisirs ; il porta la sienne où il savait que je l’attendais avec impatience. Il fut bientôt en état de la contenter. Il se déshabilla, me fit un lit de ses habits ; je me couchai dessus. Nos plaisirs se succédèrent pendant deux heures avec une rapidité, avec des mouvements de vivacité qui ne me laissaient pas le temps de les désirer ; nous nous y livrions comme si nous ne les eussions pas encore goûtés, comme si nous ne dussions plus les goûter. Dans le feu du plaisir, on ne songe guère à ménager les moyens de l’entretenir. L’ardeur de Martin ne répondait plus à la mienne ; il fallut s’arracher des bras de l’amour, il fallut se retirer.

Notre bonheur ne dura guère plus d’un mois, et j’y comprends le temps que la nécessité faisait donner au