Aller au contenu

Page:Gervaise de Latouche - Histoire de dom B… portier des chartreux, 1741.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
162
Histoire de Dom B…


voit mis. L’opiniâtreté de ma froideur confirma ſi bien cette penſée, que quelque honte que j’enviſageaſſe à avoüer mon impuiſſance à Suzon, j’étois prêt à le faire, quand je ſortis d’embarras d’une maniere à laquelle je n’avois pas lieu de m’attendre. On va penſer que l’amour fit tout-à-coup un miracle en ma faveur, que je bandai, que j’enconnai, que je foutis : point du tout ; une main inviſible, ouvrant avec fracas les rideaux de mon lit, vint m’apliquer le plus épouvantable ſoufflet que j’euſſe ſenti de ma vie. Effrayé de cet étrange accident, je n’eus pas la force de crier ; à peine eus-je celle d’ouvrir la porte & de fuir, laiſſant là Suzon expoſée à la fureur du ſpectre, car je ne doutois pas que ce n’en fut un. Je ſortis du Château en diligence, & je tremblois encore dans mon lit, où je m’étois mis en arrivant chez le Curé à qui je fis un recit détaillé d’un ſpectacle que je n’avois pas eu, & que mon imagination troublée me faiſoit croire à moi-même véritable. Je n’en impoſai au Paſteur que ſur le lieu de la ſcène, que je n’eus garde de mettre dans la chambre de Suzon.

La frayeur jointe à l’épuiſement, me