moi à faire mon bouquet : je ne lui répondis
qu’en lui jettant quelques fleurs
au viſage : auſſi-tôt elle de m’en jetter
auſſi : tiens, Suzon ; lui dis-je, ſi tu m’en
jettes davantage, je te… tu me le
payeras ; pour me faire voir qu’elle bravoit
mes menaces, elle m’en jetta une
poignée. Dans le moment ma timidité
m’abandonna ; je ne craignois pas d’être
vû : la brune qui empêchoit qu’on
ne pût voir à une certaine diſtance, favoriſoit
mon audace. Je me jettai ſur
Suzon, elle me repouſſe, je l’embraſſe,
elle me donne un ſoufflet, je la jette
ſur l’herbe : elle veut ſe relever, je
l’en empêche : je la tiens étroitement
ſerrée dans mes bras, en lui baiſant la
gorge ; elle ſe débat : je veux lui fourrer
la main ſous la jupe, elle crie comme
un petit démon : elle ſe deffend ſi
bien que je crains de n’en pouvoir venir
à bout, & qu’il ne ſurvienne du monde.
Je me relevai en riant, & je crus qu’elle
n’y entendoit pas plus de malice que je
voulois qu’elle n’y en entendit. Que je
me trompois ! allons, lui dis-je, Suzon,
pour te faire voir que je ne voulois pas
te faire de mal, je veux bien t’aider.
Oüi, oui, me répondit-elle avec une
agitation au moins égale à la mienne,
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